Simplification du CSRD: à la suite de deux progrès récents, il est temps de trouver le bon équilibre !
15 September 2025

Simplification du CSRD: à la suite de deux progrès récents, il est temps de trouver le bon équilibre !

Description

La mise en œuvre du cadre européen pour le reporting durable a pour objectif d’informer toutes les parties prenantes de la situation des entreprises vis-à-vis de l’environnement et du climat et ainsi suivre la transition de l’économie européenne. Le cadre actuel a été jugé trop complexe, coûteux et lourd et la Commission européenne a lancé un exercice de simplification. Malheureusement, la priorité politique a été donnée à la réduction de 80% du nombre d’entreprises tenues de publier un reporting durable. Cela entraînerait une détérioration significative des informations fournies pour l’économie de l’UE. Un meilleur moyen de simplification est de réduire le nombre d’informations demandées aux entreprises en se concentrant sur les éléments essentiels et non complexes. C’est exactement ce qui a été fait par la création de normes pour les PME, très simplifiées, et par la proposition récente d’une simplification drastique des normes pour les grandes entreprises. Ces deux avancées devraient conduire à un réexamen de la réduction du nombre des grandes entreprises qui est encore en discussion.

Il y a deux voies pour simplifier le cadre de l’Union Européenne de transparence durable :

- Réduire le nombre d’entreprises obligées de publier un reporting durable – et c’est la principale orientation de la proposition de la Commission de modification de la CSRD (Corporate Sustainable Reporting Directive, c’est-à-dire la directive sur le reporting durable des grandes entreprises), qui comprend la hausse du seuil des entreprises assujetties de 250 à 1.000 employés ;

- Réduire le nombre et la complexité des obligations de reporting, notamment les ESRS (European Sustainable Reporting Standards, c’est-à-dire les normes européennes de reporting durable) ; l’avantage de cette seconde voie est que la perte en informations est moins élevée sur les élements les plus importants de la durabilité, y compris pour les PME.

Deux publications récentes de la Commission européenne et d’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group, c’est-à-dire le Groupe qui conseille la Commission sur le reporting financier et sur le reporting durable) montrent que la deuxième approche progresse :

-  Le 30 juillet, la Commission a accepté la norme volontaire pour les PME (VSME) proposée par EFRAG et publié une recommandation aux États membres pour la mise en œuvre de cette norme;

-  Le 31 juillet, EFRAG a publié sa proposition de simplification des normes européennes de reporting durable qui est soumise à une consultation publique.

 

Cette initiative est la bienvenue et pourrait aider à revoir la première approche de simplification en réduisant le nombre d’entreprises, qui est préjudiciable à une transparence durable de qualité.

1)   La norme volontaire pour les PME

Le reporting durable est un défi pour les PME, car il est coûteux et parfois complexe.

Mais il n’y aura pas de transition énergétique et environnementale réussie sans les PME, du moins celles ayant une empreinte carbone importante ou un impact environnemental significatif. Les PME sont essentielles à la transition vers le développement durable en Europe, contribuant pour plus de 50 % du PIB de l’UE et pour plus de 63 % des émissions de CO2 et plus largement de GES (gaz à effet de serre) des entreprises, selon la Commission. Par ailleurs, de nombreuses PME sont déjà sollicitées par leurs relations économiques (clients, banques, investisseurs financiers, autorités locales), ainsi souvent que par leur personnel sur leur impact. Une grande partie des plus grandes PME (en particulier les PME cotées) ont d’ailleurs commencé à publier des données de base et des informations sur cet impact.

Pour ces raisons, il a toujours semblé à ceux qui s’intéressent à cette question cruciale que la bonne solution était d’aider les PME ayant un impact sur le climat ou sur l’environnement à collecter et publier des données et informations clés, selon une liste simplifiée. (cf mon article « Un défi majeur pour la transition durable : nous devons aider les PME à collecter et publier leurs principales données ESG », Europe Jacques Delors, novembre 2022). Cela devrait également les protéger contre des questionnaires trop compliqués venant de grandes entreprises ou d’investisseurs financiers.

La décision de la Commission européenne d’accepter le VSME proposé par l’EFRAG et de recommander leur mise en œuvre est un réel progrès. Il offre aux PME une liste de données et d’informations à publier qui est réduite et plus simple que pour les grandes entreprises.

La norme VSME, qui a été proposée par l’EFRAG après un long travail préparatoire, incluant des représentants des PME, est structurée autour de deux modules distincts :

• Le module de base, conçu comme un niveau d’entrée pour toutes les PME, est le module cible pour les micro-entreprises (PME de moins de 10 employés). Ce module comprend 11 divulgations et se concentre sur les indicateurs clés de durabilité qui sont les plus demandés par les partenaires de la chaîne de valeur. Il comprend des informations de base sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) (Scope 1 et 2), les mesures environnementales, la main-d’œuvre propre et la lutte contre la corruption.

• Le module complet s’appuie sur le module de base et se concentre sur 9 divulgations supplémentaires souvent demandées par les banques, les investisseurs et les partenaires de la chaîne de valeur aux entreprises des PME. Par exemple, ce module couvre une brève description des pratiques ESG ou des initiatives futures (divulgation C2), des objectifs de réduction des GES et des plans de transition (divulgation C3), des incidents confirmés dans la chaîne de valeur (divulgation C7) et de l’exclusion des indices de référence de l’UE (divulgation C8). Le VSME n’exige pas d’évaluation de la matérialité et favorise la flexibilité et l’utilisabilité en permettant aux entreprises d’appliquer uniquement ce qui est pertinent à leurs opérations.

2)   La proposition d’EFRAG de simplification des normes durables (ESRS)

EFRAG a révisé les 12 normes ESRS, notamment celles sur le climat, la biodiversité et l’économie circulaire. Il propose une réduction de 57 % des points de données obligatoires et une réduction de 68 % du total des publications, ainsi qu’un certain nombre de clarifications sur des questions complexes.

Cette étape majeure fait suite à l’initiative Omnibus de la Commission européenne et à sa demande formelle à l’EFRAG en mars 2025 d’apporter une simplification critique aux ESRS adoptés en 2023. L’objectif : rendre plus facile la gestion des rapports de durabilité dans le cadre de CSRD tout en préservant sa pertinence et son alignement avec le Pacte vert pour l’Europe. Les propositions sont notamment basées sur un retour d’information approfondi de la part des entreprises qui ont fait rapport au titre de CSRD pour la première fois au cours des premiers mois de 2025. Pour la plupart d’entre eux, le nombre de points de données était excessif et les rapports durables beaucoup trop longs.

Ces propositions font l’objet d’une consultation publique jusqu’à la fin du mois de septembre, qui devrait contribuer à améliorer encore le dispositif. La Commission envisage de prendre sa décision en novembre.

3)   L’intérêt de revoir la proposition de réduction du nombre de grandes entreprises assujetties à CSRD

Initialement, CSRD devait être mis en œuvre par les entreprises cotées et grandes (plus de 250 employés) en 2025 (pour leurs comptes 2024) et par les entreprises non cotées et grandes en 2026.
Dans le paquet Omnibus, la Commission a d’abord proposé de retarder la mise en œuvre de CSRD par les grandes entreprises non-cotées de 2026 à 2028. Cette proposition a été rapidement approuvée par le Parlement européen et le Conseil.
La Commission a également proposé de relever le seuil des entreprises assujetties de 250 à 1.000 employés. Cette proposition a été accueillie favorablement par la plupart des entreprises et leurs fédérations professionnelles et pourrait être approuvée à la majorité au Conseil et au Parlement, où il y a une forte mobilisation de la droite et de l’extrême droite. En revanche les ONG, de nombreux experts, certaines autorités publiques et de nombreuses entreprises bien engagées dans la transition durable ont critiqué cette proposition.
Dans un article publié par Europe Jacques Delors en juin 2025[1], j’ai également critiqué cette proposition principalement parce que cela entraînerait un manque important de données disponibles pour tous. En 2023, selon Eurostat, un peu plus de 50 000 entreprises dans l’UE étaient considérées comme grandes (avec plus de 250 employés). Ils emploient 36 % de la main-d’œuvre (58 millions de personnes) et génèrent 51 % du chiffre d’affaires de toutes les entreprises. C’est donc une base importante pour la cartographie durable de l’information, d’autant plus que beaucoup de ces entreprises peuvent avoir ou estimer des données durables de leurs clients ou fournisseurs. Réduire la portée de CSRD en portant le seuil à 1 000 employés réduirait le nombre d’entreprises assujetties de 80 % selon la Commission. Il n’y a pas de chiffre disponible pour la partie du chiffre d’affaires qui serait réduite, mais les entreprises de plus de 1.000 employés (cotées et non-cotées) représentent probablement moins de 1/3 du chiffre d’affaires de toutes les entreprises. Si cette proposition est acceptée, nous aurions une carte d’informations durables pleine de trous et de « terres inconnues » et l’ensemble de l’exercice pourrait donner des résultats loin de la réalité.


[1] “Directive Omnibus et transparence durable : baisser les voiles pour tenir le cap ou nettoyage par le vide ? », Europe Jacques Delors, Mars 2025

Cette proposition est d’ailleurs surprenante car la plupart des entreprises de la « première vague » (sociétés cotées avec plus de 250 employés) ont déjà fait l’effort d’appliquer CSRD et publié des informations et des données sur les sujets de durabilité avec leurs comptes annuels en 2025. Si nous prenons l’exemple du Danemark, pays qui préside actuellement le Conseil, 74 entreprises ont publié des données et informations durables au cours des premiers mois de 2025 ; si la proposition de la Commission est acceptée, seules 13 devront réitérer l’exercice en 2026.

La Commission propose également que, sous le seuil de 1.000 salariés, les entreprises puissent déclarer sur une base volontaire et utiliser les VSME. Le problème avec le signalement volontaire est que les « bons élèves » (entreprises qui sont bien engagées dans la transition et qui collectent et publient des données durables) le feront, mais pas les moyennes et grandes entreprises qui ne sont pas si avancées et qui sont souvent situées dans des secteurs ayant un impact significatif sur le climat et l’environnement. De plus, les VSME sont appropriés pour les PME, mais il faudrait demander aux grandes entreprises de publier davantage d’informations (Scope 3 par exemple).

4)   La publication des VSME et la proposition d’EFRAG de simplifier les ESRS doivent permettre de revenir sur la réduction du nombre des grandes entreprises assujetties à CSRD

La création des VSME devrait contribuer à résoudre le problème des PME qui ont un impact significatif sur le climat et l’environnement, d’autant plus qu’elles ont suffisamment de temps (au moins 3 ans) pour les mettre en œuvre progressivement.

La simplification des ESRS, qui devrait être finalisée avant la fin de l’année, devrait soulager les grandes entreprises, réduire la charge des rapports et, espérons-le, améliorer la transparence en se concentrant sur des informations plus claires et essentielles.

Ces deux réformes importantes devraient permettre de revoir la réduction du nombre des grandes entreprises soumises à la CSRD.

Les entreprises cotées et les grandes entreprises qui ont déjà fait des déclarations au titre de la CSRD devraient continuer à le faire en utilisant les ESRS simplifiés. Et il n’y a pas d’argument clair pour ne pas avoir la même règle pour les grandes entreprises non cotées de la deuxième vague, qui ont jusqu’en 2028 pour préparer un reporting durable. Au moins, les plus petites de ces entreprises (entre 250 et 500 employés) devraient déclarer en utilisant les VSME mais sur une base obligatoire.

Conclusion

Le cadre européen de transparence durable a pour objectif majeur d’informer toutes les parties prenantes de l’économie sur la situation des entreprises vis-à-vis de l’environnement et du climat. Pour que cette information ait un vrai intérêt et permette notamment de suivre la transition de l’économie, elle devrait provenir du plus grand nombre d’entreprises possible et donc les grandes entreprises sur une base obligatoire, mais aussi les PME ayant un impact sur le climat et l’environnement sur une base volontaire et avec un reporting simplifié. La publication des normes durables simplifiées pour les PME et la proposition d’EFRAG de simplification des normes pour les grandes entreprises fournissent les outils nécessaires à cette production d’informations essentielles pour le climat et l’environnement. Encore ne faut-il pas restreindre le nombre de grandes entreprises devant publier ces informations.

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