Les nouvelles propositions de normes durables européennes : un grand progrès pour la transparence des entrepri...
19 December 2022

Les nouvelles propositions de normes durables européennes : un grand progrès pour la transparence des entrepri...

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I. En Avril 2022, l'EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group), a publié des propositions de normes durables soumises à consultation publique qui ont suscité de nombreuses critiques.

L'EFRAG est l'organisme de l'Union européenne chargé de conseiller la Commission sur les normes comptables. Depuis cette année, il est aussi chargé de proposer à la Commission des normes durables ou ESG (Environnement, Social, Gouvernance). 

 

Les propositions de normes durables faites en avril par les experts de l'EFRAG auraient dû marquer un progrès important sur la voie d'une meilleure transparence des entreprises. 

 

Or elles ont soulevé de nombreuses critiques, en particulier sur leur lourdeur, leur complexité et leur nombre. 

 

J'ai pris ma part de ces critiques dans un article publié par Europe Jacques Delors en mai intitulé : "L'heure de vérité approche pour les normes de communication durables européennes face au défi des normes internationales !". 

 

Je rappelais que les normes internationales proposées par l'International Sustainable Standards Board (ISSB), créé en Octobre 2021, sont moins ambitieuses que celles de l’Union Européenne. Elles ne concernent que le climat et reposent sur la matérialité financière, c'est-à-dire le risque que sa politique climatique fait courir à l'entreprise, alors que le cadre juridique européen est fondé sur la double matérialité, incluant aussi l'impact de l'entreprise sur son environnement et ses partenaires.

 

Cependant, les experts de l'EFRAG avaient proposé trop de normes d'un seul coup, dont certaines trop complexes dans des domaines encore peu défrichés (biodiversité par exemple). En définitive les exigences de publication devenaient particulièrement lourdes (167 indicateurs auxquels devraient s'ajouter des indicateurs du secteur de l'entreprise) et je craignais un "ras-le-bol" de nombreuses entreprises, pouvant aller jusqu'à remettre en cause le projet européen et ses ambitions. Il fallait donc proposer moins de normes, en se concentrant sur les plus importantes dans un premier temps, dont le climat en priorité. 

 

Par ailleurs, la comparabilité et la compatibilité des normes de l'UE avec celles proposées par ISSB n'était pas assurée, ce qui compliquait la vie des entreprises.

 

La consultation publique sur les propositions d'Avril, qui s'est achevée en août, a suscité 800 réponses reprenant souvent les critiques qui viennent d'être résumées.

 

II. Les nouvelles propositions d'EFRAG représentent un grand progrès

L'EFRAG vient de transmettre à la Commission ses propositions suite à la consultation et celles-ci répondent très largement aux critiques sur le premier projet. 

C'est un dispositif qui reste ambitieux sur les grandes priorités du développement durable, notamment le climat et l'environnement, mais qui est plus limité en nombre d'exigences de publication (près de 50% en moins) et les indicateurs les plus complexes ont été renvoyés à une autre étape.

 

Le nouveau dispositif comprend 12 normes avec des exigences de publication (« disclosure requirements ») dont 2 portent sur des principes généraux, et 10 portent sur les sujets liés à l'environnement (climat, pollution, ressources marines, eau...), les affaires sociales, la gouvernance et l'éthique des affaires.

 

Chacune de ces normes comporte un grand nombre d'informations et de chiffres à fournir. Par exemple, la norme sur le climat, qui fait une quarantaine de pages, comprend 9 exigences de publication, dont la première porte sur le plan de transition pour la lutte contre le changement climatique, la deuxième sur la politique de l'entreprise dans ce domaine et la troisième les actions et ressources de l'entreprise en liaison avec cette politique. 

Puis suivent des exigences de publication portant sur des métriques et des objectifs chiffrés (« metrics and targets »), par exemple sur les émissions de gaz à effet de serre Scope 1 (directement lié à la production d'un produit), Scope 2 (indirectement lié à la production) et Scope 3 (lié aux autres étapes de la vie d'un produit : approvisionnement, transport, utilisation...). L'indicateur Scope 3 est évidemment le plus difficile à estimer. Le texte précise qu'il faudra le calculer pour chaque catégorie qui est significative pour l'entreprise; il introduit donc une dose de proportionnalité bienvenue. 

 

Par ailleurs, il faut saluer un grand effort de comparabilité et de compatibilité avec les normes ISSB sur le climat. D'abord la structure des normes UE suit maintenant, comme celle d'ISSB, celle de la Taskforce du G20 sur les publications liées au climat (TFCD) qui avait fait ses recommandations en 2017. Mais surtout, comme les normes d’ISSB sont moins ambitieuses que les normes de l'UE, puisqu'elles n'incluent que le principe de matérialité financière, l'objectif est que, lorsqu'une entreprise respecte les normes UE, elle respecte ipso facto celles d'ISSB.

 

Ces normes proposées par l'EFRAG à la Commission européenne vont faire l'objet d'une consultation des trois Autorités européennes de surveillance des banques, des assurances et des marchés, puis du Conseil et du Parlement européen. Les 12 normes finales devraient être publiées par la Commission à mi-2023 et complétées par la suite.

 

Pour les 50.000 entreprises qui vont devoir appliquer les normes durables de l'UE en 2024, il s'agira d'un effort significatif même si une partie d'entre elles publient déjà beaucoup de ces informations et indicateurs. Un aspect plus difficile sera comment ses entreprises recueilleront des données de leurs fournisseurs et de leurs clients, notamment les PME, dont il faut espérer qu'elles ne seront pas soumises à des contraintes trop fortes. L'EFRAG va d'ailleurs travailler à des normes plus simples pour les PME, mais pour une publication qui est prévue seulement en 2024.

 

La proposition de ces normes par l'EFRAG est donc une étape capitale pour les progrès de la transparence durable des entreprises, en liaison avec la mise en place de la CSRD (Corporate Sustainable Reporting Directive) et de la taxonomie. Elle va permettre aussi de créer une grande base de données qui sera utile à chaque entreprise et aux autres parties prenantes de l'économie durable (pouvoirs publics, scientifiques, économistes, ONG, media etc) pour mieux comprendre l'état et les perspectives de la transformation durable de l'économie, et ainsi soutenir cette transformation en cohérence avec le programme du Green Deal.

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