Le Pacte Vert européen :  continuer en rétablissant le dialogue
25 April 2024

Le Pacte Vert européen :  continuer en rétablissant le dialogue

Description

Article par Geneviève Pons dans la Revue Servir d'avril 2024 - l'Europe puissance

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Le Pacte Vert européen :  continuer en rétablissant le dialogue

Le Pacte Vert est l’aboutissement immédiat d’une mobilisation des citoyens européens, à commencer par les plus jeunes pour une politique climatique ambitieuse. Il a pu en outre se bâtir sur un terreau fertile, né de politiques européennes anciennes, ancrées dans les traités et la législation (I). A l’heure où se profilent les élections européennes il est important de dire que ce Pacte reste absolument nécessaire. Les critiques parfois virulentes qui lui sont adressées chez nous ou à l’extérieur, ne doivent pas nous dissuader de poursuivre. Il faudra cependant agir différemment, en introduisant davantage de dialogue et de concertation (II).

I. Le Pacte Vert est bâti sur le terreau fertile d’une politique environnementale ancienne et ambitieuse :

Dans le traité de Rome, l’environnement n’est pas mentionné. Cependant une politique européenne de l’environnement se créera à partir des années 1970, de la montée de ces préoccupations dans les Etats membres et de la nomination de ministres de l’environnement. Ceux-ci, réunis à Bruxelles, tireront partie de l’article 235 du Traité qui autorisait à légiférer à l’unanimité lorsqu’une une action apparaissait nécessaire pour réaliser l’un des objets de la Communauté. C’est ainsi qu’un texte aussi emblématique que la directive concernant la conservation des oiseaux sauvages a vu le jour en avril 1979. Des textes importants sur la qualité des eaux potables ou des eaux de baignade ont suivi et les citoyens européens ont utilisé les procédures d’infraction européennes pour les faire respecter. Cette première vague a justifié l’introduction d’un article spécifique sur l’environnement dans l’Acte Unique, l’article 130 R, mais aussi la mention dans l’article 100 A relatif au marché intérieur d’un objectif de protection élevée en matière d’environnement. Ces deux articles seront la base de nombreux textes fondamentaux pour la mise en place d’une politique européenne ambitieuse de protection de l’environnement au début des années 1990 : la directive Habitats, le programme Life, la création de l'Agence Européenne de l'environnement mais aussi, grâce au lien établi avec le marché intérieur, les normes d’émission des véhicules à moteur ou le règlement REACH sur les substances chimiques. Cette base juridique riche et solide, sera le terreau sur lequel le Pacte Vert européen pourra s’implanter.

Le Pacte Vert et le paquet « Fit for 55 » qui le concrétise sont le fruit de la mobilisation des jeunes européens pour le climat. Leur taux de participation aux élections européennes de 2019 a marqué une hausse de 14% par rapport à 2014, contre une hausse de 8% pour l’ensemble des citoyens.  Ces textes se sont traduits par des réformes ambitieuses telles que celles du prix du carbone (ETS et CBAM) ou de la fin annoncée des véhicules thermiques en 2035. L’enthousiasme pour le Pacte Vert s’est toutefois essoufflé et c’est dans le domaine agricole que les réactions de rejet se manifestent avec le plus de violence. Ce rejet mérite une attention particulière et, en vue de l’élection européenne de 2024, un examen critique mais constructif du Pacte Vert s’impose.

II. Il faut corriger les faiblesses du Pacte Vert pour le poursuivre :

L'une des principales critiques adressées au Pacte Vert concerne son impact sur le secteur agricole. Alors que l'agriculture est un élément essentiel du tissu économique et social européen, les agriculteurs rencontrent de nombreuses difficultés et des démonstrations de grande envergure ont eu lieu ces dernières semaines dans plusieurs pays membres dont la France. La concurrence des pays tiers, les bas niveaux de revenus, la difficulté du renouvellement des générations et la hausse des coûts liées aux changements de modes de production sont au cœur du débat. Le Pacte Vert, selon les agriculteurs, a été élaboré sans une concertation suffisante, et les moyens pour atteindre les objectifs fixés par les stratégies européennes Biodiversité et de la Ferme à la Fourchette ne sont pas toujours définis. Un exemple emblématique est celui du gasoil non routier pour lequel il n’existe pas d’alternative, ce qui conduit dans plusieurs pays dont la France, à un rejet de la taxation.  Il est nécessaire de renforcer le dialogue entre les agriculteurs, les décideurs politiques et les autres parties prenantes afin de garantir que les politiques environnementales prennent mieux en compte les réalités du secteur agricole et permettent une transition juste vers une agriculture durable.

Un autre domaine où les faiblesses du Pacte Vert sont dénoncées est celui du commerce international. Le Pacte Vert fixe des objectifs ambitieux en matière de verdissement du commerce international mais ne prend pas suffisamment en compte la dimension du développement. Au cours du mandat actuel, le verdissement de la politique commerciale de l'UE a progressé rapidement. Cela est attesté par une série d'initiatives qui ont abouti ou aboutiront avant la fin de la présente législature à l’adoption de mesures unilatérales.  Outre les deux mesures phares que sont le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (CBAM) et le règlement sur les produits exempts de déforestation, il faut citer la directive relative à la diligence raisonnable des entreprises en matière de durabilité (CSDD) et d'autres instruments envisagés tels que les mesures miroir.

Ces nouvelles réglementations auront potentiellement des effets néfastes sur nos partenaires commerciaux, en particulier les pays en développement et les pays les moins avancés (PMA). Une étude de 2023 menée par la London School of Economics a révélé que l'Afrique pourrait perdre jusqu'à 25 milliards de dollars par an en raison du CBAM. Cela a déclenché toute une série d'accusations dans les instances internationales, allant du « protectionnisme vert » au « néo-impérialisme ». La dimension externe du Pacte Vert et ses impacts sur les partenaires commerciaux en développement n'ont été, en effet, considérés qu'après coup. À l'avenir, l'UE doit adopter une approche plus coopérative et renforcer son engagement avec ses partenaires commerciaux les plus touchés par ses réglementations, en tenant mieux compte des considérations de développement lors de la conception des mesures de verdissement de sa politique commerciale.

Bien que les océans jouent un rôle crucial dans la régulation du climat et la préservation de la biodiversité, le Pacte Vert présente des lacunes dans les mesures spécifiques visant à les protéger et à les restaurer. Alors qu'une politique maritime intégrée de l'UE existe, l'océan est souvent abordé de manière fragmentée. Le Pacte Vert européen et les politiques environnementales de l'UE des dernières années ont accordé trop peu d'attention à la durabilité de l’océan, malgré son importance cruciale pour atteindre les objectifs climatiques et de protection de la biodiversité. De même, la transition vers une économie bleue durable est restée dans l'angle mort de l'UE, alors que ses secteurs promettent de créer de la richesse et de l'emploi, tout en contribuant à la décarbonation de l'Union européenne et à la récupération de ses océans. Il est désormais indispensable de reconnaître l'importance des écosystèmes marins et de les intégrer davantage dans les politiques européennes par le biais d’un Pacte pour l’Océan.

III. Conclusion : Retour aux fondamentaux

Pour sauver le Pacte Vert et réaliser ses ambitions, il est impératif de rétablir l'équilibre du développement durable en intégrant davantage les dimensions économiques et sociales dans les politiques environnementales. Il est nécessaire aussi de revenir aux principes de dialogue et de concertation, des notions chères à Jacques Delors, pour garantir une transition écologique juste et inclusive. En adoptant cette approche, l'Union européenne peut véritablement devenir un leader mondial dans la lutte contre le changement climatique tout en assurant la prospérité économique et le bien-être social de ses citoyens.

Retrouvez l'intégralité de la Revue Servir n°528 L'Europe puissance - Avril 2024 ici: https://www.serviralumni.com/fr/article/l-europe-puissance-avril-2024-n-528/25/04/2024/969

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